La réalité du faciès - Partie 2 : Les maudits

Une apparence trompeuse

Le corps encore engourdi, j’essayai petit à petit de mouvoir mon corps qui était attaché à une chaise.  De cette pièce soumise à une obscurité presque complète j’avais du mal à me repérer. Malgré le silence profond qui régnait j’entendais autour de moi des voix, grave donc probablement des hommes. Une fois mes yeux habitués à cette luminosité à peine perceptible, j’ai alors compris que je n’étais bel et bien pas seul en ces lieux. Face à moi cinq hommes tous vêtus sombrement dans une parfaite harmonie avec ces lieux. En essayant de les dévisager au mieux, je pu distinguer leur visage et quel visage. Ces hommes, ou du moins individu avaient tous le visage défiguré, je n’avais jamais vu une telle chose. On aurait cru que leur visage eu été complétement brulée. Qui était -il ? que me voulaient-t-ils ?

Pris d’une peur intense, je tentai de m’enfuir mais impossible de me libérer, je tombai alors au sol en criant de toute mes forces en espérant que quelqu’un allait m’entendre et venir à mon secours. Un des hommes s’approcha de moi délicatement, se pencha vers moi et me demanda calmement de respirer. Je ne pourrais l’expliquer mais cet homme malgré ce faciès si particulier m’inspira tout d’un coup une confiance tel que je pu me calmer et me relever grâce à son aide.

Il se mit à me parler en m’expliquant qu’ils ne me voulaient aucun mal, et qu’au contraire qu’ils m’avaient sauvé d’une mort certaine. Je ne saisissais ce qu’il voulait me dire et lui demanda des explications sur la situation. Il m’arrêta avec une tape sur la tête et me promis de tout m’expliquer. Il me demanda s’il pouvait me détacher sans que je ne tente quoique ce soit, qu’il ne voulait en aucun cas me tenir en otage. Il souhaitait simplement que j’écoute ce qu’il avait à me dire. Plus ou moins calmé, mais en grande partie en confiance par l’aura qu’il dégageait, j’acquiesça d’un signe de la tête. Il me détacha en personne et me convia à prendre de quoi boire afin de me rafraichir avant de me conter son histoire.

Cet homme se nommait Barthos, il était le chef, ou selon ses propres mots le représentant de ce petit groupe, qui comptait à peine une quarantaine de personne.  Leur histoire remontait à environ 150 ans.  Avant la création de ce fief, leurs ancêtres faisaient partie de mon village natal, et a cette époque le concept de masque n’existait pas. Cependant un groupe de personne, avec une « malédiction » commençait à prendre de l’ampleur, leur simple existence était un réel mal, ils étaient exclus et devaient déjà vivre à l’écart des autres.

Pour être plus précis, afin d’assurer la sécurité de cette minorité, rejeté, et malmené par les villageois, ils n’ont eu que cette solution afin de survivre au sein de la société. Tout se passait plus ou moins bien, ils étaient certes à l’écart mais avaient quand même un petit quartier pour eux. Ils avaient accepté de vivre à l’écart, même s’ils ne voyaient pas le mal de leur différence. A oui j’oubliais, leurs malédictions comme ils l’appelaient, n’était que leur différence physique, ce visage si peu reconnaissable. Ils considéraient cette différence comme une malédiction pour deux raisons, la première était que selon les croyances locales, cela était une maladie et qu’ils pouvaient la transmettre a d’autre et la seconde était que celle-ci se transmettait directement à leurs descendants.

Les années passèrent et un jour tout bascula. Un nouveau chef fu élu et celui-ci avait une opinion bien tranchante à leur égard. Il commença à mettre en place des règles afin de créer un plus grand fossé entre les deux parties du village. Là ou auparavant ils avaient choisi de vivre à l’écart, ils leur étaient désormais interdit de se mélanger avec la population au risque de se faire arrêter. Et plus le temps passait plus les règles en vigueur leur étaient en défaveur. On leur enlever de plus en plus leurs droits humains, furent petit à petit chasser tel des animaux jusqu’au jour la rupture fu totale.

Ce nouveau chef pris une décision radicale pour stopper la propagation de ce virus, jeter en dehors du village tout ce peuple qui n’avait déjà plus rien. Une chasse à l’homme pris alors place, et en l’espace d’une seule et unique nuit il exclut tout une partie de son peuple qu’il considérait comme maudit. Ils n’avaient plus rien, mais réussirent quand même à s’en sortir en créant un petit camp au fond de la forêt, camps qui grandissaient petit à petit et fini par créer ce lieu dans lequel je me retrouvais.

S’il en avait fini avec ce peuple maudit, il ne s’arrêta pas là, et continua le lavage de cerveau de son peuple encore présent. Il réussit à leur faire croire que pour éviter que de tel être refasse surface, un rituel était nécessaire, et c’est ainsi que le rituel du masque fu mis en place. Selon lui, porter ce masque permettait de figer le visage et empêcherai la malédiction de revenir au sein du village. Depuis il efface de l’histoire cet incident, personne ne devait transmettre à leur enfant la vraie histoire. La nouvelle étant que ce rituel était un rituel de passage à l’âge adulte. C’est ainsi l’existence même de ce peuple maudit fu effacé des mémoires collectives.

Cette histoire pourtant improbable me donna des frissons, comment pouvait-on en arrivé là. Dans son discours, et afin de me convaincre de la véracité de ses propos, il me présenta un livre dans lequel était disposé de nombreuses photos, photos de leurs ancêtres, derniers vestiges de cette histoire et je reconnu les lieux dans lesquelles se trouvaient ces gens. Ils ont bel et bien co-existé au sein même de ce peuple qui m’avait donné naissance.

Barthos ne cherchait en rien à me persuader de ses propos, mais tout était là, tout donnait sens à son histoire. Il remarqua que je restais de marbre, comme paralysé, bouleversé par tant d’informations. Il me fit une proposition, celle d’aller visiter les alentours, et de me faire mon propre avis sur ce peuple, et que si je le souhaitais, je pouvais également m’en aller. Mais en sachant que si je souhaitais retourner chez moi cela risquait d’être compliqué, j’ai été témoin du rituel chose totalement interdite pour bien des égards et que mon retour ne se fera pas sans représailles.

Il était vrai que j’avais braver l’interdit et que le risquais gros à y retourner. De plus il m’avait convaincu sur une seule chose, que je devais me faire ma propre opinion sur son village, et peut être que je pourrais en savoir plus sur eux et leur « malédiction ».  Je partis alors en quête d’information.  En me baladant ici et là, je trouvais ce lieu paisible, je ne ressentais pas cette pression que je pouvais ressentir chez moi. Ces personnes n’avaient pourtant pas grand-chose, vivaient le jour le jour, en chassant pour se nourrir mais ils me paraissaient bien plus heureux que nous qui avions tout à disposition avec une facilité déconcertante.

Je fu surtout touché par la gentillesse dont ces gens faisaient preuve, et du bonheur que je ressentais sur le visage de ces enfants qui était à la fois intrigué par moi, mais également si bienveillant que j’en oubliais totalement leur « différences ». Ils étaient pour moi des enfants totalement normaux.

Après ce petit tour des lieux, et ayant pris le temps de digérer tout ce qui se passait autour de moi je retournai voir Barthos car des questions à lui poser j’en avais encore en réserve. Une fois de retour face à mon interlocuteur, celui-ci me proposa de reprendre les discussions.

Ma question fu la suivante : pourquoi être retourné en territoire hostile et pourquoi m’avoir capturé. Il m’expliqua que cela faisait plusieurs années qu’ils surveillaient les fait et geste du village et qu’il avait pour but de sauver ce peuple qui vivait dans l’ignorance. Il voulait éveillez les esprits et organiser une rébellion afin de mettre à mal le pouvoir en place. L’occasion parfaite était d’attendre le rituel du masque, ou tous étaient réunis afin de toucher un maximum de personne. Pourquoi en arriver là ? au cours des nombreuses années qu’ils avaient pris pour observer, ils s’étaient rendu compte que de nouveaux cas de la « malédiction » aurait surgit et que l’état en place avait pris des mesures drastiques : la famille incriminé fu « enfermé » selon les rapports officiel mais que la réalité était tout autres, ils furent exécutés, nouveau née également et jeté aux oubliettes afin de n’éveiller aucun soupçon.  Il était pour lui hors de question de laisser des gens mourir même si ceux-là ne venaient pas de son village.

Et concernant le choix de ma capture, il en ria mai selon lui cela était un coup du destin. Il n’avait en aucun cas le projet de capturer quelqu’un, le but de base étant de les confronter avec la réalité. Mais en me voyant tomber, il ne put s’empêcher de me sauver, car bien évidemment si on m’avait découvert, il n’en donnait pas cher de ma peau. Peut-être cela était le destin, s’il arrivait à me convaincre, peut être que convaincre plus de personne serait possible, mon arrivé sonna comme une bénédiction pour eux.

Son langage si sincère, son ton apaisant, tout était rassurant, et au vu de la scène que j’avais été témoin, je ne pus que le croire. Je ne savais pas s’il me disait toute la vérité mais une chose était pour moi clair, je me devais de me faire un avis plus concret et de rester plus longtemps avec eux. Je le demandai alors s’il était pour lui possible de m’accueillir quelques temps, il en fu le premier ravi, et s’empressa de me donner une petite chambre ou je pourrais avoir mon intimité. Il organisa une réunion avec tout le village pour leur annoncer que je resterai parmi eux quelques temps et tous furent ravie.

Pendant plusieurs semaines je vivais en osmose avec ce peuple, j’avais mes routines qui consistait principalement d’aller me balader en ville, d’aller discuter avec chacun, mais surtout une grande partie de mon temps fu de m’occuper des enfants, si ce n’est pas le contraire.  Les enfants m’adoraient, ils étaient extrêmement curieux, et me posaient énormément de questions. Avec l’accord de leur chef, j’avais la possibilité de répondre à certaines mais j’avais pour interdiction de leur parler des masques, ce que je concevais car ce sujet était bien trop grave pour leur en parler. Je jouais beaucoup avec eux, et j’avais appris à tous les connaître tel une nounou.

Après des semaines à m’intégrer au sein de cette nouvelle communauté, et à finalement m’y plaire, un évènement a tout changé. Alors que je me préparais à rejoindre les enfants afin de m’occuper d’eux comme à mon habitude je remarquai que l’un d’entre eux manqua à l’appel. Je demandai alors aux autres enfants mais personne n’arriva à m’expliquer où il était. Peut-être que je m’inquiétais un peu trop, il était peut-être malade, ou simplement qu’il était avec ses parents. La journée s’écoula sans que je m’y attarde plus mais je gardai quand même en mémoire ce fait qui me laissa perplexe.  Le lendemain, je retrouvai de nouveau les enfants et celui-ci manquait toujours à l’appel. Je commençai alors à m’inquiéter et profita en fin de journée d’un peu de temps libre pour aller le voir chez lui. Je sonnai à la porte, son père ouvrit la porte et avait un visage plus fermé qu’à son habitude. Je lui demandai alors si son fils allait bien, celui-ci me répondit alors très vaguement qu’il était un peu malade et qu’il se reposait, et coupa court à la discussion.

Cela me paraissait bizarre, cette interaction me laissa un sentiment de malaise que je n’arrivais pas à expliquer. Même si je souhaitais le croire, au fond de moi je sentais qu’il y avait quelque chose qui clochait. Je décidai comme à mon habitude de mener discrètement mon enquête. Le lendemain en rejoignant les enfants, ils semblaient perturbés mais dès mon arrivée, coupèrent court à leur discussion. Je leur demandai alors des nouvelles de leur amis, et tous marquèrent un moment de silence, puis me répondirent qu’il était malade et tout comme son père cherchèrent à passer à autre chose. Mon intuition ne me trompait pas, j’en avais la certitude. Je décidai alors d’aller suivre le père du petit, j’échafauda alors un plan, pendant jours consécutifs, j’analysa ses moindres fait et gestes afin d’obtenir le maximum d’information qui me permettrai de résoudre ce nouveau mystère.

Au bout de ses deux jours et une enquête rudement menée, j’avais constaté que son père allait régulièrement dans un bâtiment qui jusque-là ne m’avait pas tapé à l’œil. Celui-ci a ma grande surprise n’avait aucun garde ou autre moyen de surveillance, bizarre car celui-ci semblait jusque-là à l’abandon, je n’avais jusqu’à ce jour vu aucune personne pénétré ce lieu. A chaque fois que celui-ci entrer dans le bâtiment il en ressortait accompagné d’un homme en blouse blanche et tous les deux discutaient de long moment avant de se séparer.

J’avais un nouvel indice et pas des moindres, car dès mon arrivé on m’avait présenté toutes les personnes du village et cette personne n’en faisait pas partie. Qui était-il ? et que cachait réellement ce bâtiment ? A peine je me m’étais fait cette réflexion que ce nouveau suspect retourna dans ce bâtiment empli de mystère. J’aurai voulu demander au chef des explications mais je s rapidement que cela n’était pas la bonne solution. Il me fallait maintenant absolument découvrir ce qui se tramait au sein de ce lieu.

Je décidai alors d’observer plus longuement ce lieu toujours dans l’optique de ne pas me faire repérer. Alors que ce premier père de famille qui enchainait les aller retours, au bout de cinq jours, plus aucune présence de sa part, mais un autre père avait pris le relai. Je comprenais alors que son fils n’allait pas être présent avec les autres enfants. J’accouru alors pour les rejoindre et malheureusement mes craintes furent vite confirmées. Son enfant ne faisait plus partie du groupe.  Plus le temps d’observer je devais agir.

Trois jours s’écoulèrent mais impossible d’agir sans réel plans, mais je ne pouvais rester les bras croisés. Après avoir observé longuement ce lieu et l’homme en blouse blanche j’avais la certitude que le seul moment pour agir serait de nuit.  J’avais décidé malgré le manque d’informations d’entrer dans cet édifice de nuit en espérant ne pas me faire attraper. Entre ma chambre et ce bâtiment, le chemin était trop dégagé, je décidai alors de contourner le maximum les maisons et de me fondre parmi les arbres.

En arrivant face à cet immeuble je fu totalement pétrifié, le deuxième enfant était là, accompagné de son père et de mon suspect. Celui-ci avait le visage recouvert de bandage.  Pourquoi ? que se passait-il réellement ici ?  Ils rentrèrent tous les trois dans la bâtisse et je les suivais dans la plus grande discrétion. Je réussis donc à pénétrer en ces lieux. L’intérieur était plutôt sombre, et avait une odeur forte et désagréable. Après un long couloir, une pièce très éclairée me faisait face, je me cachai alors et contempla à ma plus grande stupeur la réalité : il s’agissait d’un laboratoire, avec énormément de sang de partout.

Ce lieu médical si on peut le considérer ainsi était équipé de nombreux outils médicaux et d’une table d’opération. Ils allongèrent alors l’enfant sur la table, l’endormit et enleva son bandage, la vue qui s’offrait à moi me donna des sueurs froides. Son visage déjà déformé était rempli de cicatrices et sur un moniteur une image d’un visage « normal » était présente. Pourquoi ? pourquoi infliger à ces enfants une telle torture ? Moi qui pensais que ce peuple avait accepté son sort, sa « malédiction », en faisant d’elle une force, je me trompais totalement

Trop de questions me venaient en tête mais avant tout je devais m’évader. Je pris une grande bouffée d’air et quitta le plus silencieusement ces lieux maudits. Et rentra dans ma chambre tout en veillant à suivre le même chemin qu’à l’aller. Je tentai de dormir mais comment après une telle découverte ?  Ce peuple qui me semblait si honnête, si accueillant était tout aussi horrible que mon ancien village. Ou dois-je me situé ? Le bien n’existe pas peu importe où j’irais.

Je passai toute la nuit à me questionner, et au moment où je perdais espoir je finis par m’endormir de fatigue. Le lendemain en me réveillant je me demandai si cela n’était pas qu’un mauvais rêve. Mais en y réfléchissant le chef ne m’avait en rien menti sur ses intentions : rallier les deux peuples, en faire qu’un seul, il ne m’avait juste pas informé sur sa réelle méthode. Il voulait sauver les enfants en leur offrant une nouvelle vie, mais quelle vie. Ils souffrent tant pour uniquement ressembler à ceux qui les avait jadis jetés. Que se passera-t-il dans pour les générations suivantes ? allaient-ils jeter aux oubliettes toutes ces années de souffrance de leur ancêtre pour un simple « paraître » ?

Ce groupe ne valait pas mieux que ceux qui les avaient autrefois rejetés pour ce visage. Ces enfants n’avaient en rien demandé à subir de telle opérations, qui doivent probablement être fortement risqué.  Quelles sont les valeurs qu’ils souhaitent transmettre à leurs descendants ? vont-ils à nouveau répéter ce cycle de haine au sein de leur propre communauté ? Je ne pouvais en aucun cas aller à l’encontre de ce pouvoir, moi qui n’étais qu’un illustre inconnu et probablement un idéal physique pour eux.

Ne me retrouvant plus parmi les idéaux de ce groupe, et ne pouvant rien faire pour changer la mentalité de celui-ci, je décidai alors de partir en quête d’aventure, en quête d’un lieu où mes idéaux seront en parfaite harmonie. La route risque d’être dure, dangereuse et peut être sans issue mais j’ai l’espoir de trouver une communauté où l’apparence n’est qu’une futilité. Le choix entre ces deux groupes est pour moi impossible, j’ai cru qu’il y avait une vraie dualité, une réelle différence, mais je me trompai.

Qu’est-ce qu’un visage ? est-ce si important de se donner une belle image ? Qu’est-ce qui nous définit réellement ? est-ce ces traits physiques que l’on peut voir au premier coup d’œil ? doit-on tout faire pour s’intégrer au sein d’un groupe au péril de notre propre histoire, voir même notre propre vie ?  Ou se situe la place d’un être tel que moi ?

La réalité du faciès - Partie 2

La réalité du faciès - Partie 1 : Le rituel
Garder la face